Col d'Izoard : de la sueur et des larmes
Lundi 18 Août 2014
Il y a des jours qu'on n'oublie pas. Ce lundi d'Août 2014 en est un. Plus d'un an après, j'ai gardé en mémoire chaque détail de cette journée où j'ai découvert le vélo sur les pentes du col d'Izoard. Un moment de sport inoubliable, d'une rare intensité physique et émotionnelle. Retour sur le premier jour du reste de ma vie de sportif...
Ce matin, je me suis levé avec la boule au ventre. J'ai mal dormi, trop excité par le défi qui m'attend. En prenant mon petit déjeuner, le stress m'envahit peu à peu. Je ne suis même pas certain d'avoir les jambes pour remonter depuis Guillestre jusqu'à l'hôtel. Je pars totalement dans l'inconnue, n'ayant jamais réalisé d'effort aussi long. J'avale une banane et une compote pour faire le plein de sucre. En attendant l'ouverture du magasin Intersport où j'ai réservé un vélo pour la journée, j'en profite pour prendre les derniers conseils sur Internet. Je dilue quelques carrés de sucre dans mes bidons et me remplis les poches de gels énergétiques et de pâtes de fruits.
À 8h30, je récupère enfin le matériel que j'ai loué : vélo, casque et chaussures. Le vendeur ajuste ma selle et me montre comment fonctionnent les pédales automatiques. J'ai de la chance, le temps est magnifique. Il fait très frais, mais je vais vite avoir l'occasion de me réchauffer. Je lance l'application Adidas Micoach (l'ancêtre de Strava) sur mon téléphone et c'est parti ! Après seulement deux kilomètres de descente, je suis contraint de m'arrêter, incapable de repasser sur le grand plateau avec ces manettes Shimano. J'ai l'air malin à chercher sur mon téléphone la manière dont s'utilise un levier de dérailleur sur un vélo de route. Même Google semble se moquer de ma question... Heureusement, je finis par comprendre qu'il suffit de faire pivoter les leviers vers l'intérieur pour passer sur le plateau du dessus. Ouf, je reprends la route en direction de Guillestre.
Je profite de la descente pour me réchauffer m'échauffer. Je tourne les jambes, les kilomètres défilent. Le problème, c'est qu'il faudra tout remonter dans l'autre sens. Je fais demi-tour au panneau, à l'entrée de Guillestre. La première partie dans la vallée du Guil n'est qu'un long faux plat montant mais j'ai déjà l'impression d'y laisser des forces. À Château-Ville-Vieille, les choses sérieuses commencent. La route s'élève, c'est là que démarre vraiment l'ascension. Mon allure chute à mesure que les pourcentages augmentent. À chaque kilomètre, la borne me rappelle que le sommet est encore loin.
Après 2h d'effort, je repasse enfin devant mon hôtel où Maud m'attend. Je m'arrête à sa hauteur et retire mon kway. C'est une véritable étuve là dessous, je boue complètement. Je suis déjà très fatigué mais il me reste encore 8km à parcourir pour atteindre le sommet. Maud m'avouera après qu'en me voyant transpiré à grosses gouttes, elle n'imaginait pas que j'arriverai au bout. Je repars boosté par ses encouragements en essayant de faire bonne figure. À chaque fois qu'un cycliste me dépasse, j'essaie de prendre sa roue quelques mètres.
Dans la forêt, je m'accroche comme une sangsue à un cyclotouriste chargé comme une mule (de sacoches!). Je le suis pendant plusieurs kilomètres, le regard vissé sur sa roue arrière. Malgré toutes les sacoches qu'il transporte, son allure est élevée pour moi. Mais son aide est précieuse, il me permet de garder un rythme régulier en me focalisant sur les trente centimètres qui séparent nos deux vélos. Grâce à lui, j'arrive à Casse Déserte où je sais que le plus dur est fait.
Quelques hectomètres plus loin, je m'arrête pourtant sur le bord de la route. Les premières crampes ont fait leur apparition. Je vide un gel énergétique et un bidon quasi entier. En suivant frénétiquement ce cycliste, j'ai complètement oublié de boire. Les deux derniers kilomètres sont très difficiles. Je passe devant la stèle dédiée à Bobet et Coppi. Chaque coup de pédale me rapproche du sommet de la prochaine crampe. Après les quadriceps, ce sont mes mollets qui vacillent. Dans les derniers lacets, je fonds en larmes comme submergé par l'émotion. Je viens de vivre un moment de sport exceptionnel !
Au sommet, j'en profite pour prendre quelques photos devant le mémorial. Je réalise doucement ce que je viens de vivre mais ne m'éternise pas car il fait froid à cette altitude, surtout que je suis trempé de sueur de la tête au pieds. Je m'arrête à plusieurs reprises dans la descente pour immortaliser cette journée avec quelques photos supplémentaires. Une journée que je ne suis pas prêt d'oublier !
PS : vous l'aurez compris, j'ai rédigé ce billet bien après cette journée exceptionnelle. J'en garde pourtant un souvenir intact, me rappelant de chaque détail comme si je venais à peine de descendre du vélo.
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