Gent-Wevelgem : quand on aime, on ne compte pas
Dimanche 27 Mars 2016
Le week-end a commencé par une nouvelle réconfortante vendredi. Par solidarité, suite aux évènements de mardi, mon pote Richard a décidé de faire l’aller-retour depuis la Suisse pour participer à Gent-Wevelgem, une épreuve à laquelle il est lui aussi très attaché. Un an après notre rencontre ici même, ce GW deviendra je l’espère notre cyclo entre potes de début de saison dans les années à venir ! Ni lui (problème musculaire) ni moi (genou en mode œuf de Pâques) ne sommes en grande forme en ce moment. La journée risquait donc d’être longue pour tous les deux, mais le temps passe plus vite quand on a plein de choses à se raconter.
Avec Maud, nous avons loué une maison pour le week-end au sud de Courtrai, à une dizaine de kilomètres de Wevelgem. J’ai décidé d’aller au départ en vélo samedi matin, pour m’échauffer tranquillement et tester mon genou. Verdict : ça couine méchamment. Je risque de souffrir 218 km… ou plutôt 244 km si je compte l’aller-retour depuis Courtrai. Quand on aime, on ne compte pas.
J’ai retrouvé Richard aux inscriptions peu avant 8h. Comme toujours avec ces organisateurs, le dispositif est impressionnant. Une armée de bénévoles s’affairent et des tas de services sont proposés tout au long de la journée : bidons offerts, ravitaillements ultra-garnis (4 sur le grand parcours), nettoyage des vélos à l’arrivée, vidéos, chronométrage des principales difficultés, signaleurs aux carrefours à risque, le tout pour la modique somme de 10 euros. La comparaison avec les 49 euros pour un dossard au semi-marathon de Paris pique les yeux…
Malgré la prudence que l’on s’était promis de respecter avec Richard, nous nous prenons très vite au jeu en accrochant un groupe qui roule déjà fort. La route qui (ra)mène à Wevelgem est encore (très) longue, mais certains sont apparemment pressés d’en finir… Deux ou trois Flamands aux grosses cuisses prennent des relais appuyés, sans rien demander à personne. Les éoliennes tournent à plein régime mais nous roulons largement au dessus de 30km/h, face au vent ! Ces mecs écrasent les pédales comme personne. Ils emmènent derrière eux un groupe d’une quarantaine d’éléments. Je prends quelques relais par politesse. Pas sûr que cela soit la meilleure stratégie vu mon état de forme, mais je n'ai pas pour habitude de rester "planqué". Derrière, ça tire la langue. Ca bordure. À chaque fois qu’un coureur laisse un espace, il faut boucher les trous au prix de gros efforts. Les quelques francophones que j’entends grincent des dents et prennent nos hôtes pour des fous. Ils découvrent les joies des cyclos en Belgique. Ici, on est pas là pour enculer les mouches, même sur les épreuves non chronométrées. À ce rythme là, on sera rentré pour le déjeuner…
Au KM60, Richard me propose que nous "coupions" pour suivre le parcours médian. Diminué par une gêne à l’ischio et à court de préparation, il préfère se contenter de 146KM aujourd’hui. Après quelques minutes d’hésitation, je décide finalement de ne pas l’accompagner et de rester sur le 220. Nos routes se séparent mais nous nous retrouverons le soir au restaurant pour un dîner très sympa avec Maud. Les heures qui suivent ressemblent à une régate à la voile. Quelques portions vent dans le dos permettent de sortir le spi, mais on roule la plupart du temps avec le vent dans le nez, ou les oreilles. Et que dire des 20 km plein sud qui nous conduisent à Cassel, côté français ? 25km/h de moyenne malgré une grosse débauche d’énergie… Seul dans la pampa, les mains en bas du guidon, je rumine de ne pas avoir suivi la sage décision de Richard.
Mon genou me lance de plus en plus. Wevelgem est encore loin. Je me demande si je parviendrai à rallier l’arrivée. "Heureusement", Maud n’a pas le permis, ça règle le problème. Inutile de l’appeler pour lui demander de venir me chercher. Ce n’est pas aujourd’hui que je bâcherai pour la première fois. Dans cette galère, je me raccroche aux petits plaisirs qu’apportent les ravitos belges. Une demi-gaufre, un dinosaurus et une pâte d’amande, mon rituel est bien rodé. Que ceux qui s’inquiètent pour mon poids se rassurent, j’aurai brûlé 4800 kcal sur la journée. Dans le top 3 de mes sorties les plus énergivores !
Au moment d’aborder les principales difficultés de la journée - Catsberg, Monts vert, noir et blanc, Kemmelberg - je n’ai déjà plus grand chose dans les jambes, à part un trop plein d’acide lactique et du liquide synovial à profusion dans le genou gauche. En montée, je rattrape malgré tout pas mal de grosses cuisses, visiblement moins à l’aise dans la pente que sur le plat. Mais cela ne dure jamais très longtemps et au moment de rembrayer, c’est à mon tour d’être à la rue. Pas de chance pour moi, nous ne sommes pas dans les Alpes ici, même si le dénivelé n’est pas si ridicule que cela (1626m au total).
Plus les kilomètres passent, plus ma moyenne s’effrite. À 50 km de l’arrivée (63 de la maison), je commence à piocher sérieusement. Victime de crampes à la cuisse droite, je suis contraint de mettre pied à terre deux reprises pour m’étirer. Ma jambe est comme figée en extension, impossible de la replier sans que mon muscle ne se bloque complètement. Pas pratique pour faire du vélo me direz-vous… C’est la première fois que cela m’arrive. Manque d’entraînement ? Fatigue liée au voyage ? Déshydratation ? Compensation pour soulager mon genou gauche ? L’explication tient sans doute à un mélange de tout cela. Le final va me paraître bien long. Incapable de mettre le moindre braquet, je pédale dans le vide. Les longues lignes droites vers le sud, à la sortie d’Ypres, face au vent, sont interminables. Je suis scotché. Je ne parviens même plus à dépasser les 25km/h sur le plat. Je vois défiler des groupes qui se relaient bien sans pouvoir m’accrocher.
Heureusement, après un dernier passage par la France, on récupère enfin un vent de trois-quarts arrière pour les quinze derniers kilomètres. Wevelgem est en vue ! Il était temps, car je n’ai plus de jus. Je lève les bras au passage sur la ligne d’arrivée, après 7h52 d’effort. De la sueur, de la détermination, de la souffrance, de l’abnégation, ce fut un beau combat ! Ce n’est peut-être pas la course dont je me souviendrai en premier dans une dizaine d’années, mais je suis fier d’être allé au bout. Cela mérite bien une petite visite à la chocolaterie Dumon demain, dimanche.
Ah non, j’oubliais ! Il me reste encore douze kilomètres pour rentrer à la maison. Je vous l’ai dit, quand on aime, on ne compte pas…
4 commentaires
Aurélien - Dimanche 27 Mars 2016 à 19:05
Florent LIGNEY - Mardi 29 Mars 2016 à 09:24
Aurélien - Mardi 29 Mars 2016 à 09:33
Ami belge - Mardi 29 Mars 2016 à 15:05
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