Liège-Bastogne-Liège challenge
Dimanche 24 Avril 2016
Je n'ai pas pour habitude de jouer les Calimeros, mais je crois vraiment que la « Doyenne » ne m’aime pas. Après une première participation rocambolesque en 2015, je pensais pourtant mériter un peu de bienveillance de sa part. Peine perdue, pour son 102ème anniversaire, elle et sa copine dame nature ont décidé de nous en faire baver. À force de se comporter comme ça à chaque fois que je lui rends visite, elle finira par les souffler toute seule ses bougies cette vieille bique.
En arrivant à Liège samedi matin, j'ai vite compris que la journée allait être longue, très longue... Après avoir récupéré mon kit de participation aux Halles des Foires, j'ai fini de me préparer sur le parking situé à 200m de la ligne de départ, sous une pluie glacée. Autour de moi, des dizaines de cyclistes enfilent les sur-chaussures d'hiver, le buff autour du coup, la veste thermique et les gants, dans un silence qui en dit long. Tous doivent se dire la même chose à cet instant : qu'est-ce que je fous là ?! Assise dans la voiture à me regarder m'habiller, Maud a presque l'air désolée pour moi. Je le suis aussi pour elle qui va passer les dix prochaines heures seule, à m'attendre dans le froid et sous la pluie. Sans ses premiers encouragements - elle m’avouera après qu’elle m’aurait de toute façon forcé à y aller - je ne suis pas certain que j’aurais détaché le vélo de la voiture…
Au départ, j'ai été rejoint par François, le jeune cycliste belge que j'avais rencontré lors des 6 jours de Vars. Depuis l'été dernier, nous sommes restés en contact sur Strava où nous échangeons régulièrement. Quand j'ai appris qu'il participait lui aussi à ce LBL, son premier sur le long parcours, je lui ai proposé de m'accompagner, ce qu'il a gentiment accepté de faire. Inutile de vous dire que nous aurions préféré de meilleures conditions pour nos retrouvailles, mais c'est dans ces moments là que le cyclisme prend toute sa dimension collective. À deux, on se relaie, on s'encourage, on essaye de faire bonne figure et on cogite moins. J'espère juste que mes années en plus ne pèseront pas trop lourd sur son porte bagage.
Les premiers kilomètres, dans les rues désertes de Liège, nous permettent de nous réchauffer. Contrairement à 99,9% des autres participants, j’ai fait le choix d’enfiler le cuissard court aujourd’hui. Certains doivent me prendre pour un fou. Malgré les températures hivernales et la pluie annoncées, j’ai préféré partir les jambes à l’air en repensant au conseil de Bobbie Traksel. Une excellente décision qui m’a permis de rouler au sec dès que la pluie s’est arrêtée, vers la mi-journée, sans cuissard gorgé d’eau sur la peau. Et que ceux qui s’inquiètent de la sensation de froid se rassurent, sans poil, les jambes sont comme anesthésiées !
La première difficulté du parcours se présente au KM10, c’est la côte d’Embourg. 4,8km à 4% qui n’apparaissent pas sur le roadbook. Par souci de clarté (ou de place sur le sticker de cadre), les organisateurs n’ont répertorié que les huit côtes les plus emblématiques de ce LBL, mais nous allons passer notre journée à monter/descendre. À l’arrivée, le dénivelé total dépasse les 4000m, pas mal en "seulement" 271km.
Pour moi qui ai l’habitude de rouler en Vallée de Chevreuse, ce type de parcours ne me pose aucun problème. Je fais simplement très attention dans les descentes, sur une chaussée trempée et parfois en mauvais état, quitte à perdre quelques secondes sur mes compagnons de route qui les dévalent à tombeau ouvert. Le meilleur moyen de (re)voir Liège, et Maud, c’est encore de finir sur le vélo…
Au KM82, nous arrivons à la Roche-en-Ardenne (2,4km à 6%). C’est le premier vrai test de la journée. J’ai l’air d’avoir de bonnes jambes aujourd’hui. J’arrive à suivre François, c’est bon pour le moral. Sans forcer, j’améliore mon chrono de plus de trente secondes par rapport à l’an dernier. Une tendance qui se confirmera toute la journée si je compare mes performances dans les principales côtes sur Strava entre 2015 et 2016. Et sur l’ensemble du parcours, je gagne 0,4km/h de vitesse moyenne. C’est une très bonne surprise. La saison 2016 s’annonce pleine de promesses !
À Bastogne (KM112), nous reprenons la direction de Liège. Le fluide vent glacial du Nord nous souffle maintenant dans le nez… et les yeux. Au ravitaillement, j’ai oublié de remettre mes lunettes. En seulement 10 minutes, j’ai la cornée qui tire la sonnette d’alarme. Pas facile de récupérer les lunettes dans la poche arrière de la veste, avec les gants et le vent qui nous trimballe dans tous les sens. Le GPS de François affiche maintenant 2°C, le ressenti est encore plus froid. La bruine ne nous a pas lâché depuis le départ et l’eau s’est infiltrée dans les chaussures par en dessous. Heureusement, le haut du corps est rester au sec grâce à ma veste de pluie Mavic, sans doute mon meilleur investissement en termes d’équipement depuis que je pratique ce sport
Au KM130, le chantier commence. Nous enfilons les côtes comme les gaufres et les paquets de pain d’épice à chaque ravito. Saint-Roch, Wanne, Haute Levée, Rosier, les moments de répit se font de plus en plus rare. La fatigue commence à se faire sentir. Les cyclos que nous croisons doublons ont le visage marqué. Même s’il ne pleut plus, les premières heures ont l’air d’avoir usé tout le monde. François me conseille d’en garder un peu sous la pédale pour le final qui est compliqué. Mais tout est compliqué sur LBL, le début, le milieu, la fin.
Entre le col du Rosier et la Redoute, je prends de longs relais appuyés. Je joue sans doute avec le feu, car les crampes ne sont plus très loin, mais l’arrivée non plus. Au KM225, nous arrivons enfin au pied de la Redoute, là où j’avais explosé mon dérailleur l’an dernier. Je passe sur le petit plateau non sans un léger frisson. Je grimpe plutôt bien, François aussi. D’autres ont plus de difficulté. Certains sont en travers, mettent pieds à terre ou finissent carrément à pied. C’est là que se joue LBL. Après huit heures d’effort, l’enchaînement Redoute (1,5km à 10%), Roche-aux-Faucons (1,3km à 11%) et Saint-Nicolas (1,1km à 9%) lime les jambes. Ces côtes très raides avec des passages à plus de 15% ne me conviennent pas du tout, moi qui préfère les montées plus longues et plus régulières. J'y réalise pourtant des temps intéressants, me classant respectivement 89ème, 95ème et 69ème sur plus de deux milles participants chronométrés hier.
Le faux-plat de Ans (1,5km à 4%), où sera jugé l’arrivée des pros ce dimanche, n’est qu’une formalité après la journée que venons de passer. Je franchis la ligne sous les applaudissements de Maud un peu avant 18h, fier d’être allé au bout de ce LBL et très heureux de l’avoir partagé avec François que je retrouverai à Vars au mois de juillet.
En profitant tranquillement des animations à l’arrivée - photo sur le podium, remise de médaille, douche - j’ai une pensée pour tous ceux qui pédalent encore quelque part entre Bastogne et Liège. Le souvenir de tomber sur des bénévoles pliant bagage l’an dernier me reste en travers de la gorge. Si la ligne doit fermer officiellement à 20h, j’espère que les organisateurs, par ailleurs irréprochables tout au long de la journée, attendront les derniers retardataires. Comme le mari de cette femme âgée (70 ans ?) croisée sur la ligne, chacun des 7900 participants aura mérité sa médaille après ce Liège Bastogne Liège challenge disputé dans des conditions pourries !
La journée se termine par un dîner en amoureux à Namur, quelques bières, et des frites, pour bien finir cette semaine en Belgique et fêter dignement la réussite de ce défi des classiques ardennaises.
11 commentaires
Fredo - Lundi 25 Avril 2016 à 09:57
Romain - Lundi 25 Avril 2016 à 11:24
Bruno - Lundi 25 Avril 2016 à 11:26
Aurélien - Lundi 25 Avril 2016 à 11:38
Aurélien - Lundi 25 Avril 2016 à 11:42
Richard - Lundi 25 Avril 2016 à 12:15
Aurélien - Lundi 25 Avril 2016 à 12:17
Aurélien - Mardi 26 Avril 2016 à 10:13
Christine Hornuss - Mardi 26 Avril 2016 à 10:49
KIKI-129 - Vendredi 29 Avril 2016 à 15:23
Maxime de Turin - Dimanche 28 Octobre 2018 à 22:53
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