Paris-Roubaix : ce n'est presque pas du vélo
Dimanche 12 Avril 2015
En arrivant assez tôt à St Quentin vendredi, j'ai pu effectuer une sortie de 2h en fin d'après-midi pour me dégourdir les jambes. Je suis passé par Busigny, lieu de départ du Paris-Roubaix 2015, puis j'ai emprunté les deux premiers secteurs pavés du parcours, celui de Troisvilles à Inchy (2,2km) et celui de Viesly à Quiévy (1,8km). J'ai découvert les pavés français sous un beau soleil en ayant la route quasiment rien qu'à moi. Des conditions idéales qui n'auront hélas rien à voir avec celles du lendemain...
Samedi matin, c'est sous une pluie soutenue que j'ai pris le départ des 163km (168km au compteur au final...). Pour ne pas revivre les moments difficiles de l'E3 ou du Tour des Flandres, j'ai investi cette semaine dans une veste imperméable Mavic. Elle me tiendra au sec toute la journée mais ne pourra rien contre l'autre difficulté liée à la pluie : le manque d'adhérence sur les pavés. En Belgique, rouler sur des pavés mouillés ne m'avait pas posé de problème, les secteurs pavés y étant bien entretenus. Les pavés de Paris-Roubaix n'ont malheureusement rien à voir. Ce ne sont pour la plupart que des chemins à travers champs en très mauvais état, les pavés ne sont pas alignés et la chaussée pourtant étroite est bombée. Si certains se faufilent avec une facilité déconcertante, je fais davantage de l'équilibrisme que du vélo pour ne pas glisser/tomber. Dès le 2ème secteur pavé, je suis victime d'une chute en essayant de contourner un autre participant. En me décalant sur la gauche, ma roue glisse et je finis dans le décor. Plus de peur que de mal, mais mon levier de dérailleur avant est cassé. Je crains un moment de devoir abandonner mais parviens après quelques minutes à bloquer le dérailleur sur le grand plateau ce qui me permettra de finir la journée...
Lorsque j'arrive à la Trouée d'Arenberg (KM70), où m'attendent ma compagne et ma mère, j'ai l'impression de débarquer sur un champ de bataille. Les pavés sont couverts de boue, les chutes se multiplient, les pompiers interviennent auprès d'un blessé, des participants marchent à côté de leur vélo tandis que d'autres franchissent les barrières de sécurité pour rouler sur le chemin de terre adjacent. Il me faudra de très longues minutes pour en voir le bout. Je glisse, manque de tomber, pousse sur une jambe comme si j'étais sur une trottinette. Puis ma chaine se bloque dans mon dérailleur arrière. Mes deux supportrices m'attendent au bout de cette galère alors je répare et termine tant bien que mal.
Les retrouver à cet instant de la course me fait le plus grand bien. Elles m'encouragent, on échange quelques mots en prenant des photos puis je repars en direction de notre 2ème point de rendez-vous 60km plus loin. Psychologiquement, il m'aura été beaucoup plus facile d'aborder cette journée en trois étapes, comme trois objectifs à atteindre les uns après les autres.
Les heures qui suivent sont pénibles. Paris-Roubaix n'est pas plus difficile que le Tour des Flandres physiquement, je le maintiens, mais c'est une torture pour les mains. J'ai de grosses ampoules et je ne parviens plus à tenir mon guidon. J'ai l'impression d'avoir les doigts broyés. Heureusement, la pluie s'est arrêtée et le vent sèche doucement les pavés. Je laisse quasiment filer mon vélo en décollant les mains de quelques millimètres. Les portions de bitume qui séparent chaque secteur permettent de soulager les mains. J'observe les participants que je double pour repérer une éventuelle meilleure technique pour tenir le vélo. Mais les pavés n'épargnent personne. Nous vivons tous le même calvaire.
Au 3ème ravitaillement, je retrouvent Maud et maman qui me reboostent pour le final. Il ne reste plus que 35km à parcourir et 7 secteurs pavés à franchir : 1h15 de souffrance pour enfin voir le Vélodrome de Roubaix. La pratique du vélo forge le caractère. Il y a 7 mois, j'aurai sans doute balancé mon vélo dans un champ. Aujourd'hui, je serre les dents et je m'accroche. L'entrée sur le Vélodrome, sous la pluie, est une vraie délivrance. On effectue un demi tour de piste en se prenant pour Museeuw, Boonen ou Cancellara. Ceux qui terminent ont bien mérité ce petit moment de gloire. Il faut être fort dans sa tête pour terminer Paris-Roubaix !
Sept Classiques sur neuf, j'aperçois presque la flamme rouge !
Ajouter un commentaire